Qu’ont-elles dit, ce 8 mars, à Montpellier, ces femmes du Sud – Italiennes, Algériennes, Marocaines, Françaises, Palestiniennes -, lors du forum « Et si les femmes étaient l’avenir de la Méditerranée ! », organisé par la Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée (présidente : Carole Delga), à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes ? Impossible de résumer en un billet les quatre heures d’échanges*, portant sur les droits fondamentaux, l’égalité réelle femmes/hommes, la lutte contre les violences protéiformes faites aux femmes (du regard soutenu au féminicide) ou contre les conservatismes patriarcaux et religieux, les actions pour une meilleure représentation dans les milieux économiques et politiques, pour la scolarisation des jeunes filles en milieu rural (notamment au Maroc) ou pour la lutte contre les intégrismes, y compris en France.
Quelques sorties marquantes, tout de même. Yamna Sahli, membre de Femmes contre les intégrismes, association basée à Lyon, a connu la guerre civile dans son pays, l’Algérie, dans les années 90. Elle relève en France, depuis plusieurs années, « les mêmes signes de montée de l’intégrisme religieux » que ceux qu’elle a subis dans son enfance. Sophie Beau, directrice générale de SOS Méditerranée, a relaté, photos choc à l’appui, les 34 mois de sauvetage en mer opérés par l’Aquarius. L’urgence médicale. Le courage de ces rescapées, préférant risquer leur vie que de rester dans « l’enfer libyen, qui revient dans tous les récits ». Enfin, quand les mots sortent.
Wassila Ltaief, avocate au barreau de Paris et ex-secrétaire générale de l’association Ni Putes ni soumises, spécialisée en droit de la famille, a raconté la tentative de meurtre dont une de ses clientes libanaises a été victime de la part de son mari, qui la soupçonnait à tort de lui être infidèle. En stigmatisant le carcan idéologique et économique dans lequel des millions de femmes sont enfermées, notamment au Moyen-Orient. « Le Liban est moderne, mais on y pratique la répudiation. Un homme peut aller devant un tribunal religieux et demander le divorce. La femme n’y est ni présente ni représentée. Elle perd tout, n’a pas de pension alimentaire, pas de droit au logement. Elle est juste la mère des enfants. » Sur un plan plus juridique, elle pointe « la distorsion entre les constitutions et lois des pays du Maghreb, assez avancées en matière d’égalité femmes-hommes, et l’application réelle des textes ».
Nacira Haddad, vice-présidente du Forum des Chefs d’Entreprises, première organisation patronale algérienne, souligne les atouts féminins en matière de business : « taux de réussite supérieur pour les entreprises dirigées par des femmes, meilleurs remboursements de crédits, plus grande faculté à apprendre des autres… »
Des femmes persévérantes, comme Nouza Skalli, ancienne ministre marocaine du développement social, de la famille et des solidarités (2007-2011), qui s’est présentée… sept fois à des élections (municipales et législatives), entre 1976 et 1997, avant d’être élue pour la première fois. Ou, plus proche d’ici, Anne-Flora Morin-Poulard, directrice de Couleurs Citoyennes, structure qui accompagne au quotidien les femmes victimes de discriminations dans les quartiers (Politique de la Ville) La Conte et Ozanam, à Carcassonne. Tout en avouant la difficulté de la tâche : « Nous ne savons pas combien de femmes musulmanes, dans ces quartiers que nous connaissons pourtant si bien, restent chez elles, car interdites de sortie. C’est impossible à chiffrer. »
En matière de représentation politique, en Occitanie, si 50 % des élu-e-s sont des femmes dans les 13 conseils départementaux (du fait de la loi instaurant une parité), seules 15,4 % en président l’assemblée (Lozère et Pyrénées-Orientales), indique l’observatoire régional de la parité d’Occitanie. 42,1 % des élu-e-s municipaux sont des femmes, mais seulement 15,5 % des maires se déclinent au féminin. Même écart dans les intercommunalités : 31 % de femmes parmi les élu-es, mais 6,3 % sont des présidentes. Un plafond de verre vers le pouvoir.
Que faisais-je donc à animer les débats, au milieu de tant de femmes ? Les droits des femmes sont après tout l’affaire de tous. Sinon, j’ai posé des questions, pour ne pas changer. J’ai appris au contact des autres, pour ne pas changer. Je n’ai pas parlé d’économie, d’aménagement du territoire, d’immobilier, de BTP ou de stratégie d’entreprise, pour changer. Cela fut en tout cas un moment intense, riche, inhabituel. Comme un test appelant de nouveaux défis. L’homme méditerranéen de la journée a juste oublié de glisser cet hommage, ce 8 mars, au micro : les femmes qui cherchent à être l’égal de l’homme manquent décidément d’ambition !
* Les échanges du matin peuvent être visionnés ici (bit.ly/2F61Yea), sur la chaîne Youtube de la Région Occitanie (se placer à partir de 2h10).